WITHIN TEMPTATION - EVANESCENCE


Texte et photos: Jean-Pierre Sabouret
Reportée quatre fois depuis avril 2020, cette réunion au sommet des deux groupes les plus emblématiques de ce qu’on a appelé pompeusement female fronted symphonic metal (metal symphonique emmené par une femme) affichait quasiment complet (autour de 19 000 à vue de nez). Les intéressé(e)s avait choisi le titre (non moins pompeux) « Worlds Collide » (le choc des mondes) pour baptiser cette petite virée de 19 dates. C’est du reste presque un aveu d’échec dans un metal désespérément macho qui a scellé cette alliance quelque peu opportuniste, la catégorie on ne peut plus « cisgenre » ayant été définie bien après leur apparition, en avril 1996 pour Within Temptation et en 1995 (on pourra même remonter au camp de vacances où Amy et le guitariste Ben Moody se sont rencontré au cours de l’été 1994). Trois jours avant Nightwish au même endroit (le 30), c’était malgré tout une belle victoire pour toutes celles qui ont essuyé tant d’humiliations pour se tailler une place au soleil du metal.

Evanescence
La tournée passant pour un co-billing équitable, avec un ordre de passage différent suivant les dates, c’est Amy Lee qui avait dû perdre en faisant un chifoumi (l’une des meilleures méthodes de résolution des conflits) avec Sharon Den Adel, Evanescence ouvrait les hostilités pour le concert parisien. Il y avait un troisième groupe à l’affiche, mais comme sa prestation était réservée à quelques photographes triés sur le volet, les autres étaient condamnés à attendre dehors. On m’a bien dit son nom une ou deux fois, mais j’ai oublié… On ne saurait trop lui conseiller de trouver au plus vite un attaché de presse digne de ce nom.

Evanescence
Premier constat : Amy est plus que jamais la patronne et tout tourne autour d’elle, tant musicalement que visuellement. C’est aussi vrai pour Within Temptation, mais dans une moindre mesure. Mais il fait bien reconnaître que malgré son nom, si Evanescence refuse de disparaître c’est bien grâce à l’acharnement de la chanteuse dont les talents aux claviers mériteraient d’être mieux appréciés. Cela étant, sans douter de ses mérites en tant que compositrice, près de 20 ans après l’énorme succès de l’album Fallen et surtout de son imparable « Bring Me To Life », le passage en revue des deux tiers du cinquième/quatrième album (si on inclue ou non le premier semi-officiel, Origin) a beau en mettre plein la vue avec des effets de toute beauté, on est resté sur notre faim. Première semi-déception de la soirée au passage, Sharon ne fera pas une intrusion attendue sur « Use My Voice ». C’est Amy qui s’invitera sur « The Reckoning » un peu plus tard avec Within Temptation. Le public restant le juge ultime, ses plus bruyantes réactions se feront entendre sur « Going Under », « My Immortal », « Imaginary », le groupe enfonçant le clou avec « Part Of Me », pris en sandwitch au milieu d’un medley avec « Lose Control », de The Open Door, et « Never Go Back », d’Evanescence (l’album).

Amy Lee - Evanescence
Pas de rappel après l’apothéose sur « Bring Me To Life », on pouvait se dire qu’il y avait un deal pour que ni l’un ni l’autre ne se plie au rite qui est censé attester que tout le monde en redemande après un show exceptionnel. Mais, comme Within Temptation ne se gênera pas, on en conclura que, ce soir-là, Evanescence a bel et bien assuré une première partie de luxe du groupe néerlandais. Ni plus ni moins. Pour Amy, le challenge sera bien de solidifier un vrai groupe et de collaborer étroitement avec lui pour enfin surpasser Fallen. Ne doutons pas qu’elle en soit capable.
En dépit de ce constat, si on enfonçait le clou de ce qui pouvait apparaître comme la finale d’un « mondial des chanteuses de metal symphonique », force était de reconnaître qu’Amy, au sommet de ses capacités (ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé), l’a remporté haut la main face à sa redoutable adversaire. Avec un registre plus varié et, surtout, une puissance qui ne nuisait en rien à l’expressivité, elle a encore une (très) petite longueur d’avance sur Sharon qui donne rarement l’impression de mouiller la chemise (ou plutôt ses magnifiques robes de contes de fées). De 8 ans l’aînée, elle laisse l’impression d’être bien sage et presque sobre face à la très expansive Américaine.

Sharon Den Adel -Within Temptation
En revanche, il n’y a pas photo (ou plutôt si et des tas !), la très jolie scène en triangle d’Evanescence ne pesait pas lourd, comparé à l’énorme déballage de Within Temptation, à faire baver d’envie Rammstein. Mais, sans vouloir manquer de respect envers le reste du groupe, notamment ses deux remarquables guitaristes, Stefan Helleblad et Ruud Jolie, quand on n’a pas d’yeux et d’oreilles pour Sharon, c’est qu’ils sont accaparés par une production aussi clinquante que millimétrée. Chaque morceau a droit à sa mise en scène avec écrans vidéos, explosions et fumigènes de rigueur, mais cela laisse rarement l’impression que ce sont de véritables musiciens qui jouent et qu’ils ont toute latitude pour s’exprimer à leur guise, voire improviser ne serait-ce que quelques secondes. Le passage en revue des sept albums du groupe évoque plus une playlist Spotify qu’un concert de metal où le groupe prend tous les risques.

Sharon Den Adel - Within Temptation

Within Temptation
À l’image du final cosmique sur « Mother Earth », on en sortira en se disant que ce n’est pas tant un album live (sans réel intérêt par rapport aux versions studio), dans lequel le fan investira, mais plutôt un DVD/Blu-ray.
Jean-Pierre Sabouret
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