Voyage dans les plus hautes SPHERES

Voyage dans les plus hautes SPHERES

 

(1/10/2022)

Rencontre avec Jonathan (chant, guitare) et Clémence (basse) de Spheres pour la sortie de leur second opus, Helios.

Le point commun entre le premier album et celui-ci c’est vraiment la richesse et la variété des styles, votre musique est très imprévisible. Comment se passe le processus de composition : qui a les idées, qui fait quoi ?

Jonathan : J’ai toujours besoin pour ma part d’écrire un squelette. Je suis ingé son, j’ai travaillé sur beaucoup d’albums, j’ai un studio entièrement équipé à la maison et on a eu un peu de temps en 2020 (Rires) donc souvent la genèse pure c’est un concept, une idée, un thème. À partir de là, je ne vais pas écrire des paroles tout de suite, je vais plutôt écrire des riffs qui vont me faire ressentir des émotions. Je vais écrire une base musicale. Je pars quand même beaucoup de la guitare, mon instrument de prédilection. À partir de là je fais quand même des préprods de batterie, des arrangements de claviers. Les basses je laisse souvent à Clémence libre court pour ses arrangements. Pareil pour les guitares lead, j’en fais pas trop, sauf si j’ai vraiment une bonne idée, mais je laisse Olivier faire. Après je mets sur partition ce que j’ai, j’envoie à tout le monde pour qu’ils aient un peu tous une base pour faire des arrangements et puis parallèlement à ça je commence à me documenter sur le sujet du morceau que j’avais en tête et à écrire des paroles. Sur la maquette je vais commencer à écrire des lignes de chant. Parfois je sais vraiment où je veux aller, quel type de voix, quel registre de voix, parfois je le dis « oh, là, faut du bourrin » et puis finalement je mets du chant clair, parfois je me dis « là ce sera du scream »… Tu vois, un peu comme un artiste peintre qui jette de la peinture sur une toile… et après tu la vends des millions d’euros (Rires).

Ah c’est ça le projet en fait ?

Jonathan : Non, dix balles tout au mieux (Rires).

Musicalement, on capte des influences fugaces, on peut se dire parfois, tiens, on dirait un peu du Tool, ou du Gojira,

Jonathan : Ils nous ont piqué pas mal de nos idées… (Rires)

Mais ça ne dure que quelques secondes, on retrouve très rapidement votre propre son…

Jonathan : c’est le principe du plagiat, il faut pas trop que ça se voit donc on s’en tient à quelques secondes. Quand ils font un neuf temps, je transforme en sept (Rires). Non, je plaisante mais c’est vrai que nos influences transpirent forcément. Clémence aussi a un jeu de basse qu’on met sur certaines parties très en avant puisqu’elle prend le lead. Sur Spiritual Journey, par exemple. Ça c’est des ingrédients qu’on voit assez souvent chez Tool… Pour ceux qui disent, « la basse, ça sert à rien », ben pas chez nous, et pas chez Tool. Si on enlève la basse, il va manquer une partie des lignes mélodiques. Donc on peut retrouver cet ingrédient-là dans Spheres.

Qu’est-ce qui selon vous fait l’identité du groupe ? Non pas forcément en termes de style, parce que par exemple l’étiquette Prog s’applique à tout un tas de groupes très différents. Qu’est-ce qui fait Spheres ?

Jonathan : La direction artistique, qui n’était peut-être pas aussi maturée sur le premier album que sur celui-ci… je dirais que c’est quand même une base assez metal, on a même descendu un peu l’accordage des guitares, on y retrouve les ingrédients essentiels du metal, un kick très en avant, on a beaucoup de double pédale, et puis énormément d’ambiances dark wave, synthwave, ce qu’on avait déjà un peu en filigrane sur le premier album mais pas aussi prononcé. Et autant de pluralité dans les reliefs de la composition que dans le choix des voix aussi. J’aime bien osciller entre des parties planantes et brutales, tout autant qu’entre du chant clair, du scream, du growl, du chant diphonique, du théâtral.

Clémence : Je vois ça un peu comme un mélange de metal moderne et de vieux rock prog des années 70, comme Yes, Alan Parsons, ce genre de trucs. Notamment les claviers bien cool qui amènent aussi le côté synthwave. Quand tu mets ça sur du gros metal…

Jonathan : Yes, c’est un bon exemple. Mais tout ce qui est clavier est arrivé un peu après la grosse vague du prog. On est plutôt sur la fin des années 70… J’ai l’impression d’être dans l’interview des Inconnus « ouais, t’as vu le VR 800 ? » (Rires)

Clémence : La manière dont les claviers ont été faits, c’est un mix entre des VST très récents et des vieux claviers analogiques. Tu rajoutes ça sur des guitares avec des sons très modernes…

Jonathan : Moi à la maison j’ai utilisé pas mal d’émulations mais on a travaillé avec Marco, qui est spécialiste de la dark wave, synthwave, qui a plusieurs projets, qui fait des musiques de films, qui est très talentueux et dans la recherche sonore. Lui a de vieux claviers vintages donc on en a mis un peu de manière éparse dans l’album. C’est très technique là, mais…

Clémence : C’est du prog, hein ! (Rires)

Et au niveau des textes, tous vos morceaux ont, si ce n’est un message au moins un contenu. C’est important pour vous d’avoir des textes qui sont porteurs de sens ?

Jonathan : Oui, il y a un concept autour de l’album. Ce n’est pas un album concept au sens où chaque morceau raconterai une seule et même histoire qui se suit comme un livre, mais ça reste un album concept dans le sens où chaque titre traite de la dystopie. Chacun avec ses propres sujets, mais y a un thème récurrent. Algorithmic Sentience parle d’un futur où on a réussi à digitaliser la conscience humaine sur des disques durs et où on peut la charger dans des enveloppes corporelles ad vitam eternam. Mais encore faut-il avoir les moyens de se les offrir. Donc on parle toujours de la lutte des classes. Y a toujours en filigrane – et c’est d’ailleurs ce que j’aime dans les ouvrages de dystopie, et qu’on retrouve dans beaucoup d’œuvres de science-fiction – à la fois de quelque chose très onirique où l’on imagine un futur mais aussi une vraie critique de la société du présent. Prévenir des dangers de la société, de tous les mauvais travers qu’on pourrait avoir et de ce que ça pourrait donner de pire. Cheque morceau à ses sujets.

On sent une grosse influence littéraire dans vos textes. Il y a les auteurs tels qu’Orwell et, Huxley, bien évidemment. J’ai aussi pensé à Enrica Perucchietti qui écrit beaucoup sur ce genre d’histoire de téléchargement de la conscience. On sent vraiment une influence culturelle au sens large dans vos textes. Le premier album était peut-être orienté un peu plus cinéma et celui-ci plus littérature mais l’influence est toujours présente. Vous puisez beaucoup dans ces sources ?

Jonathan : Dans la SF, oui. On peut lâcher les mots… Algorithmic Sentience c’est très inspiré d’Altered Carbon, Running man c’est inspiré… de Running Man ! J’espère qu’on aura pas de procès avec Stephen King (Rires). J’aurais aimé que ce soit lui qui fasse la voix off (Rires). S.C.S y a beaucoup d’inspiration du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, les classes dominantes sont finalement les plus dociles, les alphas sont ceux qui sont les plus malléables… le côté tout puissant dans S.C.S est inspiré de George Orwell, 1984… Donc, oui voilà, de manière éparse on a été puiser dans la littérature SF.

Clémence : on pourrait faire un épisode de Black Mirror par morceau de l’album.

Jonathan : Do you agree je l’ai écrit après avoir regardé l’épisode de South Park HumancentiPad, sur les data… Est-ce que vous acceptez les cookies ? Ben on n’a pas le choix…

J’ai vu qu’il y avait quelques des dates annoncées. Elles vont être suivies d’autres dates de tournée ?

Jonathan : Oui, évidemment, là c’est un peu… on était très occupés par tout ça mais dès qu’on les a, on va les balancer à Roger. On va avoir des dates un peu partout en France, Belgique, Allemagne, Suisse, Benelux…

On est sur quelle période à peu près ?

Jonathan : Étalé sur tout 2023. De toute façon, avec la reprise, à chaque fois qu’on a des promoteurs intéressés c’est toujours sur des échéances assez longues, il y a tellement de groupes qui sortent leur album et tellement de reports qu’on a du mal à avoir des confirmations à courte échéance. Donc là on a très peu de dates sur la table mais c’est en cours. Et l’objectif ultime avec cet album, c’est d’avoir un tourneur ou a minima un booker pour trouver les dates.

Clémence : Dans un premier temps, il faut d’abord que les orgas rebookent tous ceux qui n’ont pas pu jouer en 2020 et 2021. Et il y a 200 artistes qui ont sorti leur album au même moment donc il faut se faire sa place…

Jonathan : Non mais ça va se décanter vers janvier-mars. La plupart des promoteurs parlent de septembre 2023 pour vraiment un retour à la normale. Et le public a encore peur parfois de prendre les préventes à cause des annulations. Y a une demande du public mais l’offre est gigantesque. Mais on va faire notre place, on n’en doute pas !

Donc vous êtes contents de l’évolution du groupe jusque-là, ça se passe comme vous aimeriez que ça se passe ou le Covid a freiné des projets ?

Jonathan : Ben on n’est pas un groupe très ancien. J’ai monté le projet en 2017, sortie d’album en 2019, en un an, puis grosse branlée pendant 2 ans…

Clémence : Ça laisse le temps pour composer, quitte à pas pouvoir jouer on compose le suivant…

Jonathan : Mais je trouvais qu’on avait une bonne dynamique. Quand t’es émergent ça te freine direct, t’es un peu dans les sacrifiés. Maintenant on a de bons espoirs. Je pense qu’on a pondu une petite merde pas trop dégueulasse (Rires). Un bon bouquin de SF, un petit verre de rouge, tu mets le vinyle, t’es bien !

Clémence : Le vinyle qui brille dans le noir !

Jonathan : Oui, ils étaient en promotion (Rires).  Vous le mettez devant l’halogène, vous le posez sur la platine et là c’est un voyage au-delà de l’héliosphère, à travers l’espace intersidéral (Rires).

Petite question un peu plus random pour finir… Si Spheres était une recette de cuisine, ce serait quoi ?

Jonathan : C’est un truc vachement complexe… Un truc un peu consistant.

Clémence : Un truc avec plein d’ingrédients…

Jonathan : Un kébab ! Non, je vais dire ce que c’est : un tacos, dans un kebab, dans une pizza. Comme dans Inception, un monde, dans un monde, dans un monde. Ben là, c’est un tacos, dans un kebab, dans une pizza, dans un burger, ok ? (Rires)

 

Merci beaucoup à Spheres pour leur sympathie et leur bonne humeur ainsi qu’à Roger de Replica Promotion qui a permis l’organisation de cette interview.


Laissez un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être affichés