Matty Mullins (Memphis May Fire) - Amour, foi et metalcore

Matty Mullins (Memphis May Fire) - Amour, foi et metalcore

Crédit photo :  David Niacaris

 [08 juin 2022]

A l'occasion de la sortie de leur 7ème album, Remade In Misery, nous avons rencontré Matty Mullins, chanteur de la formation Memphis May Fire et véritable exemple du "healthy metal". Remade In Misery se donne pour objectif de toucher ceux qui souffrent pour que leur douleur ne passe plus sous silence, et qu'ils se sentent écoutés et compris. Vous l'aurez compris, Matty Mullins est un concentré de bienveillance et d'équilibre comme on en rencontre finalement peu chez les artistes de la metal culture !  [Rencontre avec Matty Mullins, chanteur, par Annaëlle Moss]

 

Pourquoi avoir choisi Memphis May Fire comme nom de groupe? Est-ce qu'il y a un sens derrière ce nom ? 

Non, il n'y en a pas ! Le groupe s'appelait initialement Oh Captain, My Captain. Au moment de signer le premier contrat, il y avait en fait déjà un groupe qui avait déposé ce nom. Alors chacun a donné ses idées, et en prenant des mots à droite, à gauche, ça a donné Memphis May Fire. 

Comment vous est venu le goût du metal ? 

J'ai grandi dans l'Etat de Washington, et il y avait un label à Seattle, Tooth & Nail Records et plus précisément leur branche Solid State Records qui m'a fait découvrir, comme à beaucoup de mes amis et des gens de ma génération, le metal à travers des groupes tels qu'Underoath, Beloved, Embodiment etc... et tous ces groupes ont eu un énorme impact sur moi. Du coup, j'assistais à beaucoup de concerts avec mes amis et j'adorais l'émotion et l'expression transmises par le metal et le hard rock en live. Et j'ai découvert tout ça, je devais avoir 14 ou 15 ans.

Est-ce que ce sont ces découvertes qui vous ont fait dire un jour, ok, je vais produire de la musique moi aussi ?

J'ai grandi dans un foyer très "musical", ma mère nous emmenait voir des concerts les weekends, l'ainé de mes frères était musicien et jouait dans beaucoup de groupes locaux. Donc j'ai grandi dans cet univers musical, au point où c'était tout ce que je connaissais, et il fallait que ça marche ! Ce n'est pas compliqué, soit ça fonctionnait pour moi, soit je finissais à la rue !

Vous avez essayé autre chose avant de jouer du metal ? 

 Oui clairement ! Indie rock, alternative, emorock... Je joue dans des groupes depuis que j'ai 8 ou 9 ans, avec des gens du coin. 

Vous diriez que la musique est votre plus grande réussite personnelle, tous domaines confondus ?

Je pense que mon mariage est mon plus grand succès. Je suis marié depuis 15 ans à mon amour de lycée. On s'est mariés à 18 ans, on n'avait rien, on ne connaissait rien, mais ça a fonctionné et c'est la plus belle partie de ma vie. 

De quoi puisez-vous votre inspiration?

Je trouve l'inspiration dans tout. La douleur est un langage universel, on écrit beaucoup sur ce sujet. Il y a aussi les relations humaines, pas uniquement amoureuses, mais les sentiments de trahison et d'abandon, toutes ces phases par lesquelles on passe en tant qu'humains et qui nous font du mal. 

Justement, c'est quelque chose que l'on sent beaucoup au sein de Remade in Misery, toute cette douleur et cette violence, à travers des titres tels que Blood & Water ou Bleed Me Dry. A qui sont destinés ces titres ? 

Blood & Water est un titre très personnel sur des évènements de mon enfance, mais plus globalement, il traite de la maltraitance, qu'elle soit physique ou bien psychologique. Le message c'est que tu es en droit de la reconnaître et de t'en échapper. Alors c'est très personnel dans mon cas, mais beaucoup de personnes traversent ces épreuves et l'idée c'est d'utiliser mon expérience personnelle, de la coucher sur le papier et de la partager avec ceux qui vivent les mêmes choses. 

Le titre "The American Dream" est presque politique. Est-ce que vous pensez avoir un rôle à jouer, en tant qu'artiste, sur ce type de sujet, ou préférez-vous partager des expériences et des émotions que vous avez traversées ? 

En fait, "The American Dream" n'est pas tellement un titre politique, c'est un titre humain. C'est à propos du fait de voir tout le monde se battre en permanence sur tous les sujets au lieu d'essayer d'atteindre le bien commun. Tout le monde peut avoir ses propres opinions et on peut ne pas être d'accord, mais il n'est pas nécessaire de déclencher des conflits ou des guerres, de générer des actes très violents envers quelqu'un, parfois pour rien. Personnellement, je ne partage pas beaucoup mes opinions politique publiquement. Je ne pense pas que les personnes qui me suivent sur Instagram le fassent pour mes idées politiques, je ne crois pas non plus que ceux qui écoutent Memphis May Fire s'interrogent sur mes opinions. Je me concentre sur la musique, sur les concerts, mes fans et je n'utilise pas ma position d'artiste pour prendre parti. 

 Il y a cette phrase au sein de "Misery" : And when I go through hell, that's where I find myself. Est-ce que vous pensez que les épreuves nous définissent ? 

A 100%. Tout le monde veut que la vie soit facile et heureuse. Mais ce ne sont pas les moments où tu prends un verre, assis sur la plage en regardant les vagues déferler qui te définissent. Ce sont des moments dont on a besoin, c'est clair, mais c'est quand tu es au milieu de l'océan, que le bateau coule et que tu te tiens à une planche de bois, c'est ce moment-là qui te définit. C'est à ce moment là que tu grandis. Les tissus cicatriciels sont plus résistants que la peau, et sans les épreuves, on ne grandirait pas. La majorité de cette maturité que l'on acquiert dans une vie est forcée par ces situations compliquées ou par la douleur. C'est ce que veut dire Remade In Misery, d'être reforgé par le feu, de devenir une meilleure version de toi-même à cause de ce que tu as traversé. 

 Est-ce que cette souffrance est une condition sine qua non au fait de devenir un artiste ? 

Je ne dirais pas que c'est une nécessité. Il y a des artistes qui émergent du jour au lendemain et qui n'ont pas l'air de comprendre certaines souffrances ou certains combats. Mais finalement, tout le monde traverse des choses et la douleur est relative. Et puis on peut aussi décrire des choses que l'on observe, pas seulement celles que l'on vit. En tous cas, les plus grandes chansons à mon sens, les plus puissantes, celles qui créent un lien fort entre un artiste et son public sont celles qui parlent des choses qui font mal parce que ce sont celles auxquelles on s'identifie finalement. Pour comprendre à quel point la musique peut être impactante, tu dois être passé par quelque chose qui deviendra une histoire, non plus seulement pour toi, mais aussi pour beaucoup d'autres gens autour de toi. 

 Le titre "Only Human" est vraiment différent des autres. Est-ce qu'il a une histoire particulière ? 

 Déjà, c'est la présence d'AJ Channer (Fire From The Gods) qui en fait un titre spécial. Il a vraiment une super voix. En plus il chante sur les couplets 1 et 2, ce qui est assez peu conventionnel quand on fait appel à un invité et je suis vraiment content, je trouve qu'il apporte vraiment quelque chose de différent à ce titre, ce qui le fait vraiment ressortir de l'album. Il est l'unique chanteur invité sur cet album et on est vraiment super contents du résultat. 

Revenons à vous, quel a été le plus gros challenge de votre carrière ? 

Je pense que le plus gros ca été de comprendre que personne ne veut que tu y arrives autant que toi tu le veux. Je ne suis pas quelqu'un de compétitif, j'aimerais que tout le monde gagne ! Mais l'industrie de la musique, c'est plutôt, "je vais te marcher dessus pour passer devant". Et ça, tu l'apprends assez tôt en fait, tu comprends à qui tu peux faire confiance, qui sont tes vrais amis. Il y a vraiment une facette assez moche dans l'industrie de la musique et tu dois comprendre que si tu veux y arriver, tu es le seul à le vouloir vraiment et tu dois te bouger pour y arriver. 

 C'est difficile de savoir à qui faire confiance, et donc de trouver des personnes avec qui travailler. Sur l'album, Cody Quistad (Wage War) a participé à l'écriture des paroles. Comment s'est monté ce partenariat ? 

C'est une longue histoire ! Cody est un de mes meilleurs amis. J'ai grandi avec un gars dans l'Etat de Washington, et on a déménagé tous les deux dans le Tennessee, et ce gars a mis une guitare en vente sur une marketplace, et c'est Cody qui l'a achetée au tout début de Wage War. Ils sont devenus amis comme ça et Cody a déménagé à Nashville et donc on était tous dans le même cercle d'amis. Et puis le meilleur ami d'enfance de Cody a déménagé ici et il a acheté la maison qui est en face de la mienne. Du coup on s'est vus d'avantage et on a fini par devenir vraiment proches. Et donc quand j'ai commencé à écrire pour cet album, je lui ai demandé si il voulait participer à l'écriture d'une chanson, ce qu'il a accepté. Ca s'est tellement bien passé qu'on en a écrit une autre, et qu'on a finit par travailler sur tout l'album ensemble. On pense vraiment de manière assez similaire, et en même temps on a des visions personnelles qui nous permettent de nous challenger. C'était vraiment une super expérience et c'est certain qu'on travaillera encore ensemble à l'avenir ! 

Et au sein de Memphis May Fire, comment est-ce que vous travaillez pour que le groupe perdure de manière aussi efficace ? 

Je pense qu'il faut valoriser les relations internes au groupe. Beaucoup de groupes ne s'en sortent pas ou s'effondrent rapidement à cause de conflits internes. Et on ne peut pas envoyer quatre ou cinq gars en tournée pour des mois si ils passent leur temps à s'engueuler ! Il faut apprendre à se connaître, à savoir ce qui est irritant chez les uns et les autres et à savoir communiquer d'une manière où chacun se sent à l'aise. En fait tout repose sur le fait d'aimer les gens et de travailler ensemble pour atteindre un objectif commun. 

 Il y a quelque chose que je trouve vraiment intéressant chez vous, et par extension chez Memphis May Fire, c'est votre foi en Dieu, à l'heure où le metal est assez facilement associé avec une certaine colère envers la religion. Est-ce que ca a été compliqué pour vous d'associer les deux ? 

A partir du moment où tu vas à contre-courant, tu rencontres des obstacles. Ma foi est le fondement de mon existence, sans ça je n'ai plus tellement de but. Et en fait, ça m'importe peu que certaines personnes puissent être en colère à propos de ma foi parce que si on en discutait, ils verraient qu'il n'y a vraiment pas de quoi s'énerver. Je n'impose mes valeurs et croyances à personne. Je crois profondément que nous sommes aimés par le Créateur de l'univers, et si tu veux en parler avec moi, ce sera avec plaisir, mais si tu veux simplement écouter notre musique, tu n'as pas à associer les deux, il n'y a aucun problème à ça. Je trouve tellement de paix et de force dans ma foi que je peux encaisser les challenges que cela peut poser sans problème. 

Avez-vous prévu de venir jouer en France prochainement ? 

Je ne peux pas trop en dire sur le sujet, mais il y a des choses qui arrivent ! 

Qu'est-ce que vous écoutez en ce moment ? 

 Le nouvel album de Kendrick Lamar, j'attends le nouveau Post Malone avec impatience, il sort le même jour que notre album, Rain City Drive...

(et plein d'autres ndlr)

Finalement, vous écoutez beaucoup de choses différentes, vous n'êtes pas concentré uniquement sur le metal ? 

 Non, pas du tout ! Ne pas s'ouvrir à d'autres styles de musique c'est se priver de beaucoup de choses ! Il y a tellement de genres qui peuvent t'apporter tellement de choses différentes que ce serait bête de passer à côté ! 

Le mot de la fin pour nos lecteurs ? 

Merci beaucoup de prendre le temps d'écouter notre musique et de vous y investir, c'est un véritable honneur de savoir que lorsqu'on produit quelque chose, il y aura des gens qui l'écouteront ! C'est un plaisir de travailler au sein de Memphis May Fire et de savoir qu'on a des fans qui nous accompagnent dans l'aventure ! 

 


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