BURY TOMORROW - "Sky is the limit" - Interview du chanteur Dan Winter-Bates

BURY TOMORROW -

A l’occasion de la sortie de leur nouvel album The Seventh Sun (à paraître le 31 mars 2023 via Music For Nations), Metalleux de France vous propose en exclusivité une interview de Dan Winter-Bates, chanteur du groupe de metalcore britannique Bury Tomorrow.

 

Première question évidente : quelle est l'inspiration derrière votre titre d'album ? Y a-t-il une influence black metal, avec la symbolique ?

C'est le septième album, et le 7 est un chiffre puissant : on parle des sept péchés capitaux, c'est utilisé en divination etc. C'était une façon métaphorique de parler de notre septième album. Les « enfants du septième soleil », c’est vous, et c’est nous. L'idée sous-jacente, c'est de pouvoir recapturer sa destinée : le futur est entre nos mains. [NdlR. : On notera la ressemblance de l’heptagramme du « Seventh Sun » avec l’étoile de Thélème, à six branches, dont le principe philosophique est la volonté].

Il y a clairement des références ésotériques. De là à parler d’influences black metal, c’est difficile, car on ne se limite pas à un genre musical. Notre guitariste est un énorme fan de BM, et il y a beaucoup d’instru’ dans le nouvel album, comme dans le black symphonique, mais ce n’est pas la seule source d’inspiration.

 C’est votre premier album depuis le Covid. Est-ce que ça a présenté de nouveaux défis ? Comment ça se passe avec les nouveaux membres ? [NdlR :  Jason Cameron a quitté le groupe après le dernier album, en 2021, pour de nouveaux projets]

Pendant la pandémie, on s'est posé des sérieuses questions. Quelle est la meilleure chose à faire ? Est-ce qu’on est sur la même longueur d'onde ? On a quand même sorti un album en plein milieu du Covid [Cannibal], ce qui n'était pas la meilleure idée au niveau de la communication... Beaucoup de personnes nous ont demandé si on allait continuer, et on est restés, ne serait-ce que pour les fans et tous les gens qui nous écoutent.

Ça fait déjà un an - putain ça passe vite - qu'on a changé de chanteur [NdlR : chant clair] avec l’arrivée de Tom Prendergast, et de guitariste rythmique avec Ed Hartwell. Tom est INCROYABLE, que ce soit au niveau du chant ou de la production, il est vraiment génial. Eric a ajouté un nouveau niveau de coolitude au groupe, et avoir ces deux guitaristes [Ed Hartwell et Kristan Dawson] c'est vraiment un rêve. Notre groupe a été élevé par leur ajout.

L'enregistrement de l'album c'est fait très facilement, parce qu’on s'est éclatés. On ne s’est sentis obligés à rien, on était super motivés à travailler. Et on ne s'est pas mis la pression pour rentrer dans des cases. Le but ce n'est pas de correspondre à l'idée que les gens se font d'un genre de metal, c'est de prendre l'inspiration d'où elle vient. « SKY IS THE LIMIT »  [La seule limite, c’est le ciel].

 A propos de la pandémie et de ses conséquences, on a été nombreux à en souffrir mentalement, pendant les confinements, etc. J’ai l’impression, en regardant ton Insta (@danburytomorrow) et en écoutant tes chansons, que la santé mentale (parler de la dépression, de l’anxiété, de manière non-stigmatisante) est un sujet que tu aimes aborder. Est-ce que tu peux nous en parler ?

J’en parle parce que j’en ai fait l’expérience, et je continue à en faire l’expérience. C’est quelque chose qui fait partie de ma vie depuis longtemps. J’ai souffert de dépression, j’ai eu des pensées intrusives, de l’anxiété…  Je pense que la meilleure chose à faire, et particulièrement quand on est dans ma position, c’est-à-dire quand on a de l’influence - peu importe la taille de votre groupe, car on peut tous avoir un impact -, c’est de faire le choix de parler de santé mentale. Ça ne va pas forcément changer les symptômes des gens qui en souffrent, mais ça peut leur permettre de se connecter à d’autres personnes qui en font l’expérience, et ça, c’est vraiment super important. Car l’un des symptômes les plus incapacitants d’une maladie mentale, c’est que les gens se sentent totalement seuls, et qu’ils ont l’impression que personne ne se sentir aussi mal qu’eux. En parvenant à créer la sensation de partage et de connexion, on peut au moins fournir cette expérience par procuration.

Et je pense spécialement que les mecs, la communauté masculine, en a besoin. Parce que, historiquement, cette communauté a été minée par la misogynie et le patriarcat, et je veux déconstruire cette idée que tu dois être un gros dur, que tu dois toujours te montrer fort, etc. Je n’ai pas envie de perpétuer ces préjugés : je pense que la vulnérabilité est une force, qu’elle nous permet de grandir, et qu’on doit accepter le soutien des autres pour progresser.

C’est ça que le metal a besoin de mettre en avant, et de défendre ouvertement ; ça et d’autres questions importantes, comme la diversité ou l’inclusivité, qu’il s’agisse de sexualité, de religion, d’ethnie, d’identité, d’aptitudes. On entend toujours dire qu’on est une des meilleures communautés sur Terre, et c’est super, mais il faudrait commencer à agir dans ce sens, de manière non passive. Ce n’est pas assez d’être, par exemple, « non-raciste » : il faut se montrer « anti-raciste ». En tant que groupe, on essaie de montrer l’exemple, et de confronter dès qu’on peut. Et c’est justement parce que j’ai ce privilège de mec blanc hétéro, et qu’en plus je suis dans un groupe de musique, que je peux m’en servir pour abattre les barrières un peu plus pour les autres.

 Quelles sont les spécificités d’un groupe britannique ? Est-ce que vous êtes inspirés par l’histoire sociale et politique de votre pays, le Brexit, etc ?

On en revient un peu à la question précédente : en tant que britanniques, nous avons des privilèges qui découlent de notre passif historique avec le monde [impérialisme, colonisation, etc]. Notre gouvernement a une approche merdique des choses, à dire que si tu es pauvre, c’est que tu ne fais pas assez d’efforts, ou que si tu as des soucis de santé mentale, c’est que t’es qu’un paumé ou un camé, etc.

Par rapport à eux, on essaie de ne pas juger les gens, car on ne sait pas par quoi ils sont passés, et ça n’a rien à voir avec le fait que travailler dur ou non. Quand on évolue dans les milieux de culture alternative (subculture), on voit beaucoup de souffrance, et il faut se battre pour être acceptés. C’est dommage, car c’est important d’avoir des gens différents, des mentalités différentes. Alors, on essaie de s’inspirer de ce qu’on pourrait être, tout en réfléchissant à l’héritage (social, historique) qu’on porte avec nous.

 Comment voyez-vous votre évolution dans le temps ? Quelles sont vos attentes pour cette année ?

On ne se met pas de limites, et on essaie de ne pas se prendre la tête en se disant : « On pourrait être ci ou ça ». On se sent déjà très chanceux d’être ce qu’on est, à savoir un grand groupe, reconnu comme tel, avec des gens qui nous soutiennent et qui nous écoutent. C’est ça qui est fantastique, et nous en sommes très reconnaissants.

On a eu un super retour pour les chansons qu’on a partagées, « Abandon Us », « Boltcutter », donc on espère que l’album marchera bien, et qu’il permettra aux gens de se connecter. Nous en sommes fiers, et donc évidemment nous avons envie que les gens l’aiment. Malgré la perpétuelle marge de progression, c’est sans aucun doute l’un de meilleurs albums que nous ayons fait.

Nous aimerions bien faire une tournée, aller aux US, en Australie, faire des festivals européens, et continuer l’année prochaine à faire plein de shows pour nous-mêmes, pour capitaliser sur les headliners exceptionnels qu’on a obtenus. On aimerait retourner en France ; on y a fait des festivals incroyables l’an dernier avec le Motocultor, le Hellfest… L’édition du Hellfest 2022 a été l’un des meilleurs shows de toute notre vie. On ne s’y attendait pas, on a remplacé un groupe au pied levé, et on avait peur que ça ne se passe pas très bien, mais c’est sincèrement le meilleur show qu’on ait jamais fait. Donc oui, encore des moments comme ça s’il vous plaît !

Et on se sent déjà prêts à faire le prochain album. J’ai l’impression que ça ne finit jamais, une fois que tu es dans le cycle de création, tu ne t’arrêtes plus. Mais pour le moment, on est impatients que les gens puissent écouter l’album.

Je pense en effet que certaines chansons en live seraient fantastiques. « Forced Divide », par exemple. Ou « Begin Again ». Vous avez une setlist en tête pour le tour ?

Pour un groupe comme le nôtre, avec un certain nombre d’années d’existence, c’est difficile de définir une setlist. Il y aura des nouveaux morceaux comme Boltcutter ou Heretic, parmi celles qu’on a déjà postées et qui sont vraiment lourdes. On s’est demandé si on allait introduire les futurs live avec « The Seventh Sun », notamment les grosses représentations, parce que ça semble pertinent vu que ça ouvre l’album. On a tellement de chansons à jouer, ça devient délicat de choisir. Mais on va en sélectionner plusieurs qui vont bien déboîter.

Ce que j’aime beaucoup dans votre musique, c’est qu’elle a un aspect vraiment cinématographique et immersif. Avez-vous des influences particulières pour votre atmosphère ?

On en a tellement, c’est difficile de dire lesquelles nous ont marqué particulièrement. Nos inspirations vont du pop-rock et de la dance music, à des trucs vraiment plus lourds, comme le black ou le death metal. Mais c’est une bonne chose de se diversifier. On veut être un groupe qui propose une expérience aux gens, et c’est typiquement ce que fait le dernier album. L’écouter, c’est lui permettre de son fondre en vous, de vous transformer. Et c’est très important pour moi de fournir ce genre de moments.

De nos jours, on est dans la consommation de la musique : on nous demande de sortir des singles percutants, voir même plusieurs à la suite, et des vidéos à la pelle, toujours plus vite. On est dans l’immédiateté. Alors, pour ces gens qui aiment s’immerger totalement dans un album, en s’asseyant et en l’écoutant en pleine conscience, c’est super important de faire une œuvre cohérente, et c’est ce qu’est cet album. Une anthologie de toutes nos influences, que ça vienne de films, de musiques connues, etc.

On prend ce qui sonne bien, c’est aussi simple que ça ! Si on accroche à un son, on peut passer une nuit dans le studio à l’écouter, à écrire dessus, et à travailler des variations, plutôt que de juste gratter des paroles autour d’une ligne de guitare. Je pense que beaucoup de groupes, et on en a fait partie, se retrouvent coincés à vouloir faire de la musique metal avec des paroles metal pour un public metal. Mais c’est assez con de faire ça finalement, ça limite notre potentiel. Même si c’est humain !

 Ok, dernière question : qu’est-ce que vous voulez dire aux gens qui vont vous lire ?

Déjà, un grand merci de prendre le temps de nous écouter. Si vous aimez l’album, ou même si vous ne l’aimez pas mais que vous pensez qu’il peut plaire à quelqu’un, faites tourner. La musique, c’est super subjectif, et sujet à interprétation, alors écoutez avec un esprit ouvert, et faisons de notre communauté un lieu positif. Merci à toutes et tous, en espérant pouvoir jouer en France et rencontrer des fans qui nous dirons ce qu’ils en ont pensé !

 

Petit screenshot de Dan Winter-Bater et de votre dévouée chroniqueuse !

 

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