DROPKICK MURPHY’S - La Saint- Patrick au Zénith de Paris

DROPKICK MURPHY’S - La Saint- Patrick au Zénith de Paris

 

Texte Blandine Marcé, Photos François Capdeville

 

Vendredi 10 février, 19h15. J’arrive en retard, après Jesse Ahern, mais juste à temps pour les Rumjacks. Si ce groupe de punk rock celtique revendique fièrement ses origines australiennes, le chanteur Mike Rivkees est, quant à lui, de Boston (une des villes comptant le plus d’irlandais en dehors de l’Irlande).

Les Rumjacks mettent une excellente ambiance, en préparation de la soirée. Fistful of Roses est repris en chœur par un grand nombre de personnes dans la fosse, mais pas autant que An Irish Pub Song, qui totalise 83 millions de vues sur YouTube. Cela n’étonne personne : s’il y a bien quelque chose que les Français partagent avec les Irlandais, c’est l’amour du chant, de la danse et de la boisson.

Le taux d’alcoolémie de la fosse commence dangereusement à grimper, les pogos s’enchaînent, les membres du groupe sont aux anges ; pas de doute, le Zénith leur rend la monnaie de leur pièce ce soir. Petite pensée émue pour ce gars qui a slammé sur toute une chanson, sans jamais avoir réussi à revenir sur le premier rang, et qui s’est perdu au fond de la salle, sous le regard désespéré des agents de la Sécurité. A jamais dans nos cœurs.

Petite pause technique, je vais acheter un patch des Dropkick, celui qui illustre leur nouvel album : une guitare tagguée des mots « This machine still kills fascists ». Il y a du monde, mais c’est compréhensible ; le merch est vraiment cool, avec des squelettes faisant des doigts d’honneur et jouant de la cornemuse. Big-up au mec en fosse qui avait le t-shirt « Punk in Drublic », ça déchirait et ça allait très bien avec l’ambiance.

Comme je n’ai plus vingt ans, je me suis posée avec une petite boisson fraîche dans les gradins de la salle. Le plateau de l’ingé son, assis juste devant moi, est incroyable ; quel boulot cool, j’imagine, de bosser dans cette salle qui ne cesse de nous gâter. J’ai fait connaissance avec des mecs assis autour de moi ; Riff Raff d’AC/DC résonnait dans nos oreilles, juste avant les premiers accords de Pennywise.

Les Américains ont ravi nos tympans avec des chansons de punk rock qui m’ont évoqué les premiers albums de Green Day, avec un soupçon de Rage Against the Machine dans la technique vocale. Si elles ne traitent pas de l’Irlande ou de la boisson, leurs chansons collent parfaitement avec les thématiques engagées et révolutionnaires des groupes du line-up.  Do what you want et Fuck Authority sont particulièrement appréciées.

Les membres s’entendent bien, à en juger par les piques et les blagues qu’ils s’envoient entre deux chansons, et qui font bien rire le public. Ce dernier est pris à parti pour choisir quelle reprise sera chantée ensuite ; c’est « You Gotta Fight for your right (to party) » qui l’emporte. Quand je vous dis que les Français aiment la fête…

La fosse se vide un peu pour une ultime bière avant les Dropkick, et j’en profite pour me mettre au milieu, devant la scène, au deuxième rang. Je suis refaite, mon cœur bat à cent à l’heure, j’ai trop hâte. « There is power in an union », chant syndicaliste de Billy Bragg, résonne, et je la reprends en braillant (connaissez vos classiques !). Des « Let’s go, Murphy’s ! » commencent à se faire écho en rythme dans la salle. Je vois d’un mauvais œil trois gaillards complètement ivres, qui commencent déjà à se chamailler derrière moi. La lumière tombe. Foggy Dew, cette ballade irlandaise sur les soulèvements de Pâques 1916, s’élève depuis derrière le rideau, dans la merveilleuse version de Sinéad O’Connor et the Chieftains. J’en ai presque les larmes aux yeux. Puis la chanson s’arrête, et le bordel commence. 

J’en ai fait des concerts, au Zénith, où je me suis déplacée d’un point A à un point B sans que mes pieds ne touchent le sol, mais alors celui-là, c’était quelque chose. En dix secondes, je me suis retrouvée tabassée de partout, et j’ai battu en retraite, pour pouvoir profiter du concert sans me faire marcher dessus. Il faut dire que commencer par The state of Massachussets, un grand classique du groupe, a eu le même effet qu’une étincelle sur de la poudre : la fosse a pris feu.

Ken Casey, qui remplace le chanteur Al Barr, en hiatus pour s’occuper de sa mère malade, est un des membres fondateurs du groupe, et un des principaux paroliers. D’origine irlandaise, il en a le bagou, l’attitude, la puissance vocale et émotive ; tendant ses bras aux gens du premier rang, il n’a cessé, de tout le concert, de prendre des bains de foule, pour partager toute l’énergie que les fans lui donnaient à revendre.

Pas le temps de souffler, le groupe enchaîne direct avec The Boys are Back. Et c’est vrai : ils sont de retour, après nous avoir tant manqués, et ils ont bien prévu nous aider à nous défouler sur nos chansons préférées. Après Mick Jones nicked my pudding, la mienne arrive d’ailleurs : Middle Finger, cet hymne à l’insolence, voit de nombreux majeurs se lever en cœur. C’est provoquant et rafraîchissant comme une bonne pinte de blonde.  

Les fans sont déchaînés. Sur Bar Room Hero, un des premiers morceaux jamais écrits par le groupe, le chanteur des Rhumjacks se joint à Casey, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Je n’ai jamais vu une fosse aussi déjantée, et pourtant, j’ai fait du Airbourne et du Ska-P au Zénith ; les circle pit semblent se faire de plus en plus grands, les pogos ne s’arrêtent jamais. Les gens sont déjà totalement en sueur alors qu’on est qu’à la cinquième chanson. Le groupe nous aide à redescendre avec Ten Times More, un des morceaux de leur dernier album, un peu plus calme. Les gens reprennent leur souffle et une gorgée de leur pinte (quand ils ne la lancent pas dans le public).

Les chansons s’enchaînent, des confettis verts et blancs pleuvent dans le public, un mec au milieu de la fosse secoue un drapeau breton ; tout est à sa place. L’intensité du concert ne redescend jamais ; Turn Up that Dial et Skinhead on the MBTA déclenchent l’enthousiasme, on n’a jamais le temps de s’ennuyer. Les ballades traditionnelles irlandaises ravissent le cœur du public, avec The Fields of Athenry et Johnny I hardly knew ya ; TOUT LE MONDE chante. Ça met du baume au cœur.

On ne voit pas le temps passer, et pourtant, le concert est déjà bientôt fini. Mais impossible de quitter le public sans nous faire le cadeau des grands classiques du groupe : Going Out with Style, Shipping Up to Boston, et surtout Rose Tattoo, repris par toutes les bouches. La fosse et les gradins sont transcendés ; nous ne sommes plus qu’un tout homogène, et les membres du groupe nous remercient de leur plus beau sourire.

Les Dropkick nous honorent d’un dernier morceau, probablement une petite pique vu notre état : « Kiss me, I’m shitfaced ». La fosse s’unit, les bras se balancent de gauche à droite, les gens se tiennent par les épaules et font des mouvements en avant et en arrière ; une pluie de confettis s’abat de nouveau sur nous. La lumière se rallume progressivement sous les applaudissements ; le chanteur et les autres musiciens nous envoient des goodies (feuilles de setlist signées, plectres…). J’ai du mal à redescendre sur Terre. Mes jambes me font mal, ça sent la sueur, des dizaines de verres en plastique sont fracassés au sol, mais je suis ravie. Je pense aux gens qui vont revenir pour le set du 11 février, avec 20 nouvelles chansons proposées. Petits veinards, de pouvoir apprécier doublement la sublime énergie de ce groupe.

Les Dropkick ont su trouver dans les Parisiens un public réceptif et enthousiaste, prêt à faire la bagarre comme à danser (petite pensée pour les deux mecs bourrés qui ont failli en venir aux mains devant moi). Je n’ai qu’une envie : me gaver de ballades et de chansons à boire, réécouter les albums en boucle, et continuer de soutenir le groupe. Le Zénith, en réunissant ces quatre artistes, nous a offert une expérience de qualité, que je recommande à toute personne s’intéressant un peu aux groupes à l’avenir. Allez-y, ça vaut le coup.

En attendant la Saint-Patrick, sláinte (à la vôtre) !

 

Crédit vidéo Florent Gilloury


Laissez un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être affichés