Cân Bardd - Voyage atmosphérique en festival médiéval

Nous avons eu la chance, à l'occasion du Cernunnos Pagan festival et entre deux bières, de rencontrer Cân Bardd, un jeune groupe de black metal atmosphérique qui nous vient de Suisse.
Interview de Malo, chanteur et compositeur, et Dylan, batteur, par Apolline et Annaëlle.
Quelle est votre genèse ?
Malo : En 2015, j'avais un autre groupe de folk metal avec Dylan qui s'appelait Kaatarakt. C’est à cette période que j'ai découvert le black metal atmosphérique. Et tout naturellement j’ai eu envie de m’exprimer à travers cette musique qui me permettait de mettre en avant des sentiments que je ne pouvais pas forcément transmettre dans le folk. Cân Bardd est né un peu de ça. Dylan m’a rejoint sur ce projet pour assurer la batterie. Je voulais vraiment peu de personnes impliquées dans le projet, parce que je voulais être maître de mes compos. Voilà pourquoi nous ne sommes que deux. Nous avons rencontré Mike Lamb de Sojourner, un projet similaire au nôtre, et il nous a beaucoup aidés à mettre nos titres en avant. Le label a suivi, et tout s'est vite enchaîné.
Est-ce que vous pourriez nous parler de vos influences ?
Malo : Alors pour ma part, le tout premier groupe que j'ai découvert dans ce style c'était Saor, avec l'album "Roots". Après je dirais que des groupes comme Elderwind, Sojourner, ou Caladan Brood m'ont poussé à faire du black metal atmosphérique.
Dylan : Pour ma part je ne connaissais pas le black metal atmosphérique avant de démarrer Cân Bardd. Je n'écoute pas forcément beaucoup de metal actuellement, mais j'ai grandi avec des groupes comme Rammstein. Et dans mon jeu de batterie, je pense que mes plus grosses influences sont Gojira et Lamb of God.
Pourquoi le nom Cân Bardd ?
Malo : Notre premier album est assez influencé folk celtique, et je voulais un peu retranscrire cette influence que j'ai depuis l'enfance. En gallois, "Cân Bardd" signifie la chanson, la poésie du barde.

Je vous ai personnellement découverts grâce à "Devoured by the Oak" (leur dernier album, sorti en 2021, ndlr ). Est-ce que cet opus a eu une incidence sur votre notoriété ?
Malo : Alors dans la vie de tous les jours ça n'a pas eu tant d'incidence que ça, mais dans les statistiques oui. Notre premier album a atteint les 100 000 écoutes assez rapidement. Et l’on ne s’y attendait pas. Mais c'est vrai que depuis "Devoured by the Oak", nos écoutes ont quadruplé. Nous avons une fans base fidèle et nous sommes hyper heureux de rassembler beaucoup de monde à nos concerts et de voir que notre merch est demandé. Cet album nous a donné de belles opportunités, comme par exemple de jouer au Hellfest l'année dernière.
Et maintenant que la case Hellfest est cochée, quelle est la prochaine étape ?
Malo : Le Wacken pourquoi pas, mais je préférerais plutôt partir en tournée. On en avait une de prévue en première partie de Saor en 2020, qui a été reportée en 2021, puis finalement annulée. Le Hellfest était vraiment le plus gros festival que je pouvais espérer, parce que j'y suis allé étant plus jeune, donc j'étais vraiment attaché à l'idée de jouer là-bas. La prochaine étape serait de partir en tournée.

Photo par Soriya Thach
Les titres de votre dernier album se partagent entre le français et l'anglais… Et le dernier titre est chanté en suédois. Pourquoi avoir choisi de faire une chanson en suédois, et pourquoi lui avoir réservé une place si particulière dans l'album ?
Malo : J'aime beaucoup la musicalité et l'atmosphère que dégagent les langues nordiques. Je voulais les retransmettre sous forme de ballade et que l’on puisse imaginer sans peine être dans une forêt, avec des amis assis autour d'un feu, et l'un d'eux au chant. Ce titre en suédois permettait de finir merveilleusement bien l'album. Et ça fait un peu un miroir avec le début de l'album, parce que la musique de cette chanson est basée sur un riff d'"une Couronne de Branches". Je trouvais que c'était un joli clin d'œil.
Et comment vous décidez de la langue d'un titre ?
Malo : C'est vraiment sur le moment et en fonction de mes envies. Des fois je pense à un mot pour l'atmosphère de l'album, et je vais écrire un texte en français, puis des fois une phrase en anglais me trotte dans la tête, et je pars sur un texte en anglais. C'est une question de feeling. On n'a aucune chanson en français sur le deuxième album, et je voulais y revenir sur le troisième, parce que je trouve que c’est une très belle langue qui sonne très bien avec le black metal. Le français nous permet d'être plus subtil que l'anglais.
Ça sonne très citoyen du monde d'avoir un nom en gallois, de faire des chansons en suédois, en français, en anglais…
Malo : Effectivement, je suis personnellement très fan des folklores du monde. De manière générale je dirais qu'on est tous sur le même bateau, et je suis très content de pouvoir voyager, et de vivre différentes cultures à travers les pays grâce à la musique.

La nature fait partie de votre identité. Face aux défis écologiques, est-ce que vous pensez qu'un artiste aujourd'hui doit ouvertement prendre position ou au contraire, présenter un monde plus utopique ?
Dylan : Je pense que c'est plutôt quelque chose de personnel. La notion d’écologie est hyper importante. Pour moi, la planète est sacrée. Je suis très attaché à tout ce qui touche à la biodiversité, ça m'a poussé à faire des choix dans ma vie dont je suis très heureux, et qui me permettent de vivre en accord avec mes principes. J'essaye d'être le plus simple possible dans mon quotidien, et j'ai fait le choix il y a maintenant six ans de devenir vegan. Donc oui sur le plan personnel je suis très impliqué. Et nous organisons nos shooting photo dans des endroits magnifiques.
Par contre, je ne jetterai pas la pierre à un groupe qui ne prend pas de position. Il ne faut pas se voiler la face, en tant que groupe, on a forcément un impact, ne serait-ce que lors des tournées. C'est un équilibre qui est très dur à trouver. Par exemple, je suis très fan de Rammstein qui se déplace avec des dizaines de camions… Mais ils sont tellement fabuleux que j'achète quand même des billets pour aller les voir. Donc voilà, je reconnais qu'il y a un peu de dissonance.
Malo : Oui, je suis moins impliqué que Dylan dans ma vie personnelle. Je suis adepte d'un mouvement artistique qui s'appelle le romantisme, et dans ce mouvement là les peintres ne peignent pas ce qu'ils voient, mais ce qu'ils ressentent. Je trouve que c'est très proche du black metal atmosphérique, et c'est ce que je compose. Donc c'est davantage des paysages utopiques à imaginer. Cân Bardd ne porte pas de message particulier, on laisse l'auditeur faire son propre chemin à travers la musique. C'est aussi pour ça que les paroles ne sont pas très précises, pour que tout le monde puisse se faire sa propre histoire. Chaque écoute est différente au final, et c'est ça que j'adore dans la musique.
Est-ce que le public suisse a accueilli votre album, et votre musique en général différemment du public français ?
Malo : C'est dur à dire. J'ai l'impression que Cân Bardd est plus écouté en France qu'en Suisse. Même si nous sommes programmés en Suisse, on joue davantage en dehors de nos frontières. Et puis on n'est pas forcément mis en avant dans les médias suisses non plus.
Dylan : La scène metal en Suisse romande est tellement petite que tout le monde se connaît alors c'est très différent quand on va à l'étranger. On est aussi très occupés dans nos vies, donc on essaye de faire en sorte que chaque concert soit une bonne opportunité pour nous.
Vous parliez du fait que la scène metal en Suisse est assez fraternelle et dense. Est-ce que justement il y a un groupe que vous trouvez sous-côté duquel vous aimeriez parler ?
Dylan : Oh, moi j'en ai plein. Bon déjà à Genève, il y a Prométhée un groupe de hardcore que j'adore. Il y a Cellar Darling, formé par les anciens membres d'Eluveitie. J'ai dû les voir peut-être dix fois, et leurs performances sont vraiment intenses. Je pourrais citer aussi Icare (post black) que j'avais vu en live, j'avais trouvé ça dingue. Kess'khtak (death/grind), il y a Murge (Death) aussi, et les copains de Norvhar (folk metal), il y a Kassogtha (death progressif)...
Malo : Alors en restant dans le black metal, j’ai envie de vous citer Ungfell qui vient de Zurich. Ils font du black metal un peu folklorique, et ils ont un folklore très sombre, sans chichis et j'adore. Je les ai découverts récemment, ils ont sorti trois albums, et ce sont trois énormes bangers. Je les recommande vraiment. J’aime également Paysage d'Hiver, un projet de black metal atmosphérique très froid. C'est l'autre projet d'un des membres de Dark Space.
Vous avez des dates ou des projets musicaux à venir prochainement ?
Alors, en avril nous serons au Ragnarök en Allemagne, le 3 juin nous participerons au Lid Ar Morrigan près de Nantes, et au Northern Silence en septembre en Allemagne également. Rien d'autre pour le moment.
Un dernier mot pour les lecteurs de Metalleux de France ?
Merci beaucoup à ceux qui ont pris le temps de lire cette interview. On espère que notre groupe sera une agréable découverte, même pour ceux qui n'écoutent pas forcément de black metal.
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