Wage War - Manic

Wage War - Manic
Genre : Pays : Label : Sortie :
Metalcore
USA
Fearless Records
1er Octobre 2021
Note finale : 9 / 10

 

Vous est-il déjà arrivé d’écouter un album et de l’aimer un peu plus à chaque nouvelle écoute ? De trouver que chaque rythmique, chaque breakdown, chaque riff sont si bien trouvés, tellement logiques et impeccablement exécutés que tout coule de source ? C’est presque comme si les morceaux venaient tout droit des profondeurs de votre esprit, et que si vous aviez voulu matérialiser des pensées cachées au fond de votre inconscient, c’est à cet album que ça ressemblerait. Non ? Dommage. Mais laissez-moi tout de même vous entrainer dans les méandres de Manic, ma propre projection de ce qui s’approche dangereusement du bingo à chaque titre.

Originellement formés sous la bannière « Empires », la formation originaire de Floride a évolué au fil des années, sortant rigoureusement un album tous les deux ans depuis 2015 et sa signature chez Fearless Records. Aujourd’hui Wage War nous propose, à mon sens, sa plus belle réussite avec Manic.

L’album s’ouvre sur « Relapse » et son démarrage conçu pour faire monter le suspens. D’entrée on note que le chant est beaucoup plus mature que sur les précédents albums, et que la cohésion musicale au global a terriblement bien évolué en deux ans. Je serais presque tentée de remercier la pandémie, mais en fait, non, quand même pas. « Relapse » c’est l’histoire de l’addiction dictée de la bouche de celui qui la subit. Le riff est accrocheur, le refrain reste ancré dans un coin de la tête, et l’entrée en matière se fait tout en violence à travers des breakdowns rythmés qui posent l’ambiance.

« Teeth » démarre sur une bande son digne d’un morceau de rap US qui déstabilise quelque peu. La voix de Bond vient se poser d’un ton doux, et paradoxalement assez violent, sur les basses, pour débiter une tirade à l’attention d’un ami adepte des relations à sens unique. L’avantage c’est qu’on en connaît tous un, alors aucune difficulté pour s’identifier dans ce que nous propose Wage War. La formule est la même que sur le morceau précédent, on navigue entre le scream sur les couplets et la voix claire sur les refrains, encore terriblement catchy soit dit en passant. Musicalement, on joue sur les cassures rythmiques pour accentuer les riffs et le tout fonctionne parfaitement bien.

Enchaînons à présent sur l’ovni de cet album, titre éponyme, j’ai nommé « Manic ». On retombe dans la mouvance rap US avec un premier couplet quasiment rappé en voix clair. L’electro beat nous accompagne jusqu’à la rupture on ne peut plus nette avec l’arrivée du refrain qui remet les pendules à l’heure, l’église au centre du village, le morceau dans son répertoire metalcore. On notera également le très bon breakdown qui s’inscrit parfaitement dans l’ambiance rap instillée par le morceau. Pour comprendre la construction de ce dernier, il faut se pencher sur ses paroles. « Manic » c’est le récit d’une personne qui se fait littéralement bouffer par l’angoisse. Les couplets sont des moments de lucidité, des constatations de la dégradation de son état mental. Les refrains, au contraire, sont la retranscription des moments de pur délire et de paranoïa avancée vécus par le narrateur. Si je poussais un peu, je dirais que le raclement de gorge au début du second refrain traduit le fait que Bond reprend de la contenance après sa dernière crise. Mais je crains un peu de passer pour une prof de français qui donne plus de sens aux textes qu’ils n’en ont de base…

On sent que Wage War avait peur qu’on se perde avec « Manic » et nous remet dans le droit chemin avec « High Horse ». Le rythme de ce morceau est presque funky, j’entendrais quasiment un « jump, jump ! » au loin, pas vous ? A moins que ce ne soit le rythme des uppercuts qu’envoie le chanteur à celui qui a eu la bonne idée de lui prendre le chou. Parlant de rythme, on peut noter le retour des cassures rythmiques, marque de fabrique de Wage War dans Manic. Pas de chant clair sur ce morceau, on alterne entre le scream et une voix sombre et menaçante qu’on avait déjà pu croiser sur « Teeth ».

Atterrissage en douceur sur un de mes coups de cœur de l’album, « Circle The Drain ». L’accueil est doux, mélodique, tant dans la voix claire que dans la rythmique. Les passages voix / guitares appuient l’ambiance globale que je trouve assez sombre. On repenche du côté de l’émotion, quelque peu délaissée sur les derniers morceaux. L’heure est à l’introspection, à la leçon de morale, le tout posé sur un morceau relativement calme, exception faite d’un petit breakdown qui joue la cohérence dans la construction de « Circle the Drain ». Ce titre est l’occasion de mettre en avant les qualités vocales de Bond et Cody, qui oscillent entre des propositions graves presque parlées, intimes, et des envolées plus aigües jouant sur la corde émotionnelle.

Wage War trouve qu’on s’est trop reposé sur « Circle the Drain » et remet un coup d’accélérateur avec « Godspeed ». On dirait que les gars ne peuvent pas enchaîner deux titres sans régler un compte avec quelqu’un, mais perso, ça me va bien. On repart donc pour un petit « jump, jump ! » funky, lancé par une voix robotique qui nous souhaite bon vent. Le chant est saturé, haineux, en mode cassage de mâchoire sur les couplets, et plus tendre sur les refrains, sans pour autant épargner le destinataire à coup de paroles assassines.

Pas le moment de souffler, c’est l’heure de « Death Roll ». Sans hésitation, morceau le plus violent de l’album, et peut-être aussi un des plus intéressants. L’attaque est puissante, soulignée d’un riff qui fait littéralement hurler la guitare. Bond entame alors un prêche sur la fatalité de la vie, le caractère inévitable de la mort qui rôde. Constat aussi froid et dur que le morceau, nous courrons tous à la mort, sans échappatoire, et le morceau déferle sur nous comme le fera la faucheuse : violemment. Le breakdown est à se claquer la tête dans les murs, les rythmiques intermittentes sont rapides, saccadées, et c’est le scream qui nous accompagnera tout au long du morceau, comme pour nous hurler une évidence que nous connaissons tous. On notera la présence d’un joli solo, denrée rare au sein de Manic.

Retour de l’electro beat. On se pose avec une voix claire qui s’engage à nouveau sur les terrains de l’introspection à travers « Slow Burn ». On est face à un morceau qui se construit sur une montée en puissance à mesure que Bond passe les étapes de l’acceptation de soi. Le constat est amer, et démarre sur une vraie volonté d’accepter ses erreurs, puis on sent que le ton se durcit, les choses se corsent et le travail demande plus de force qu’il n’y parait. Et puis tout part en vrille, le scream s’impose, la rythmique s’alourdie. Chose surprenante, le crescendo ne se fait ressentir que sur les couplets, les refrains conservent quasiment intégralement leur ligne directrice du début à la fin, en voix claire (par Quistad donc si je ne m’abuse) et rythmique catchy, on ne change pas une équipe qui gagne !

Attention, sortez les mouchoirs. On devine que « Never Said Goodbye » est tiré d’une expérience très personnelle. Il y est dépeint le terrible instant où un coup de fil vient apprendre une horrible nouvelle. Tout y est décrit d’une façon si précise et chronologique qu’on s’immerge sans difficultés dans les méandres du deuil, de la peine, de la colère, du regret... En cohérence avec les paroles, ce morceau est chanté en voix claire posée sur une instrumentalisation sans encombre ni violence, la guitare solo venant apporter une jolie nuance dans ce titre dirigé de bout en bout par Bond.

« True Colors » renverse la vapeur et nous renvoie, vous l’aurez deviné, au côté « règlement de compte » de Manic.  Je trouve que ce morceau est peut-être un peu trop « déjà entendu » au sein de l’album. L’alternance scream sur les couplets, voix claire sur les refrains, paroles assassines à destination d’un tiers, l’introspection… peut-être un peu moins intéressant que les autres titres.

C’est déjà l’heure du dernier morceau. Avec quoi va donc nous quitter Wage War ? L’ouverture de « If Tomorrow Never Comes » est violente, dans un metalcore pur. Ce titre ne ressemble à aucun de ceux qui nous ont été proposés au sein de Manic. La posture est beaucoup plus sombre, complète et atmosphérique que ce qu’on a pu entendre jusqu’à maintenant. La construction du morceau est également plus complexe, jouant sur des rythmiques tantôt très légères, tantôt terriblement brutales. On voyage à travers ce morceau qui offre divers horizons à l’oreille. On quitte le schéma établi des titres plus « scolaires » qu’a pu nous proposer Manic pour aller vers une proposition qui s’affranchit des codes, qui offre toute la liberté à chacun de s’exprimer, que ce soit Bond et Quistad sur une très jolie panoplie vocale, ou que Blake qui nous entraîne vers des territoires planants.

Qu’on soit clairs, j’adore cet album. Je l’écoute en boucle depuis que je l’ai découvert, je chantonne sans cesse les titres, bref, c’est un coup de foudre. Pour autant, je me dois de garder un peu d’objectivité sur le sujet. Manic est très bien réalisé, et les titres sont quasiment tous des singles à mon sens. Pour autant, pris comme un tout, je trouve qu’on manque un peu de cohérence. Quelle histoire cet album veut-il raconter ? On alterne entre des morceaux violents qui ancrent l’ambiance du côté de la colère envers x ou y et des titres à portée émotionnelle forte sur des sujets durs qui touchent profondément. J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre l’histoire de cet album, rien qu’à son titre qui, à mon sens, ne représente pas tellement un « Never Said Goodbye » par exemple. Mais ce n’est pour autant pas un reproche, car on a tous une sensibilité différente et je suis convaincue que cette œuvre au global coulera de source dans son sens aux yeux de certains ! Mais, déformation professionnelle oblige, j’ai vu passer des albums qui sont tellement parfaitement cohérents dans leur construction que je suis devenue particulièrement attentive à ce genre de choses. Mais ne nous arrêtons pas sur cela, car comme dit plus haut, Manic est certainement la meilleure proposition à date de Wage War, et c’est une vraie réussite sur presque toute la ligne !

AnnaHell

Tracklist

  1. Relapse
  2. Teeth
  3. Manic
  4. High Horse
  5. Circle the Drain
  6. Godspeed
  7. Death Roll
  8. Slow Burn
  9. Never Said Goodbye
  10. True Colors
  11. If Tomorrow Never Comes
2:59 3:08 2:44
2:48
3:35
3:06
3:01
3:09
3:19
3:09
4:40

Lineup

Briton Bond (Chant, guitares)

Seth Blake (Guitare, Chant)

Cody Quistad (Guitare, voix claire, production)

Chris Gaylord (Basse, chant)

Stephen Kluesener (Batterie)

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