The Plot In You - Swan Song

USA
Fearless Records
17 Septembre 2021

Prêts à sortir des sentiers battus ? Alors c’est parti, je vous embarque pour une belle découverte. The Plot In You est un des noms qui émergent doucement et qu’il ne faut pas ignorer. A la croisée du metalcore, du post-hardcore et même de la pop, ce groupe est avant tout un concept. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut cataloguer. Formé en 2010 sous la coupe de Before Their Eyes (BTE) et sous un premier nom, Vessels, le groupe américain va vite démontrer son potentiel. Le fondateur du groupe, Landon Tewers, va même décider de quitter BTE pour se consacrer à ce nouveau projet, alors renommé The Plot In You. Il va recruter Anthony Thoma (guitare), Josh Childress (guitare), Ethan Yoder (basse) et Cole Worder (batterie). Parenthèse tout de même, la création artistique est quasiment exclusivement entre les mains de Tewers. En effet, l’homme est un multi-instrumentiste de talent qui mène de front de nombreux projets en parallèle (projets solo, Ai640).
Swan Song est le cinquième album de The Plot In You, et il y a eu un peu de turnover depuis First Born. On retrouve Tewers, Yoder et Childress accompagnés de Michael Cooper aux baguettes. Et le démarrage est désemparant. « Letters To A Dead Friend » s’ouvre sur une cacophonie instrumentale accompagnée d’une voix enfantine. Tewers s’impose en douceur avec une voix brisée empreinte d’une profonde tristesse. La bande son joue avec des nuances presque expérimentales avant que l’instrumentalisation ne se pose sur un rythme quasi tribal, très axé sur les basses. Comme son titre l’indique, Tewers dresse une liste de regrets à ceux qui ne sont plus de ce monde. Les mots sont percutants et donnent le ton dès le premier morceau. Et j’avoue qu’à ce stade, je m’inquiète de la tournure des choses car ce premier titre est très surprenant par sa construction et ses jeux sonores peut-être un peu trop électroniques. Mais pas de panique, on va vite retomber sur nos pieds.
Justement, « Fall Again » vient nous offrir une bonne dose de pesanteur. Le rythme est soutenu dès l’entrée et on s’accroche à ce refrain catchy qui reste dans la tête. Ce sera d’ailleurs le cas pour beaucoup de morceaux de Swan Song. Côté paroles, on est visiblement sur un monologue adressé à un ami qui serait sur la mauvaise pente et que Tewers est fatigué de tirer vers le haut. On commence à voir se dessiner un schéma dans cet album, attendons de voir si on part dans le bon sens car The Plot In You est aussi imprévisible que génial.
Arrive alors « Face Me », une des pierres angulaires de cet album. La première partie de ce morceau est construite sur un beat sur lequel vient se poser la voix de Tewers, et que dire de cette voix qui transmet si bien l’émotion qu’elle pourrait probablement nous proposer des morceaux a capella sans aucun problème. La puissance des instruments s’impose sur le refrain qui, surprise, est terriblement catchy et prend aux tripes. La présence d’une voix féminine qui donne la réplique induit l’idée d’un échange, d’autant que, rappelons-le, c’est un couple qui est présenté sur la pochette de Swan Song. Le contraste entre ces temps calmes de performance vocale et les refrains aussi prenants qu’intenses est très joliment travaillé et rend « Face Me » mémorable, voire addictif. L’émotion monte encore d’un cran sur le deuxième couplet avec la présence d’une voix de tête en accompagnement de Tewers. Et si maintenant on intègre les paroles, tout fait sens. « Face Me » est le récit d’une relation où l’un des partenaires est gravement malade mentalement, et cette maladie éloigne les amants qui, pourtant, se sentent profondément liés. Alors on imagine aisément que la voix féminine qui donne la réplique sur le refrain et qui accompagne le couplet représente l’amante. Et on associe les temps calmes au répit et les refrains à la discorde. C’est très joliment réalisé de bout en bout.
« Too Far Gone » renoue avec les racines résolument pop de The Plot In You. Peu de scream, pas de rythmes brutaux, mais du piano et une voix claire toujours aussi percutante. Ce titre est particulièrement triste, il a le don d’emplir l’atmosphère d’une aura accablante qui ne laisse pas indifférent. Plus encore que sur d’autres morceaux, on a l’impression d’entendre des sanglots dans la voix de Tewers qui impressionne toujours par sa maîtrise. La thématique de ce morceau ne déroge pas à la trame de Swan Song, on est sur une inévitable rupture amoureuse, des douleurs infligées trop lourdes à supporter, la fatalité de la séparation lorsque les choses sont allées trop loin.
Parlant de trame, dévions-en donc un peu. « Paradigm » est un morceau qui n’était pas initialement prévu pour intégrer la discographie de The Plot In You mais d’un autre groupe. Pourtant, Tewers s’y accrochera jusqu’à l’intégrer dans l’album. Il y traite du fanatisme que certains peuvent porter aux « influenceurs », qu’ils soient des artistes ou autres. Musicalement, ce morceau renoue quelque peu avec la puissance, et se dote encore une fois d’un refrain qui reste dans un coin de la tête. Les paroles, quant à elles, sont probablement dans mon top sur cet album tant elles sont justes, à la fois impitoyables et marquées d’un profond sentiment d’inutilité, d’illusoire importance sur fond de théologie et d’auto-dérision.
On enchaîne avec « Both To Blame », qui dépeint encore une fois l’histoire d’une rupture pleine de regrets. Malheureusement ce morceau se noie un peu au sein de Swan Song, tant par la redondance du thème que par son exécution qui est un peu trop « déjà entendue ». « Too Heavy » se distingue par un joli crescendo sur la première moitié du morceau. Le chant est empreint de désespoir, plus encore qu’à l’accoutumée j’entends, pour se révéler sur le refrain. L’instru suit la montée en charge sans pour autant offrir la puissance qu’on s’attend à voir arriver.
« Enemy » offre une nuance intéressante à la tournure que prend l’album. On démarre sur la voix féminine, fil d'Ariane de cet album, qui laisse vite place à Tewers qui entame alors un monologue rythmé par une batterie tribale en fond sonore. Puis, tel le recul de la vague, toute puissance s’efface, laissant un Tewers à la voix tremblante prononcer ce qui semble être une prière à l’être aimé. Et puis le tsunami vient s’échouer à l’oreille, offrant une bonne dose de basses contrastant avec l’impuissance dans les mots du chanteur. On a même droit à un joli breakdown, ponctué d’un scream bien poussé. Il est intéressant de noter la cohérence entre les paroles et les variations de rythmes et d’intensité dans le morceau.
« Whole Without Me » vient secouer les plumes de l’oreille qui se repose un peu trop en terrain connu. Le ton est agressif, rageur. Un règlement de compte interne, une désillusion intrinsèque, un aveu bruyant de sa propre culpabilité et de ses erreurs. Tewers lâche ce qui lui reste en réserve et s’emballe sur une instrumentation tribale, presque sauvage. Ce morceau est pour moi une transition vers une facette plus violente de Tewers, mais n’offre pas grand-chose de plus du point de vue de Swan Song.
Il est déjà l’heure de se quitter sur « Freed », choix intéressant pour un titre concluant un album dépeignant toutes les facettes de la rupture. « Freed » c’est une bande originale de film, avec des bruitages, des ambiances à peine cachées derrière une voix qui se veut relativement discrète sur cette conclusion. J’y entends des battements de cœur, des angoisses, des moments de lucidité… une jolie panoplie d’émotions transcrites par une instrumentalisation surprenante. Et le dernier morceau de cet album disparaît comme il est arrivé, sur un fondu qui se présente sans qu’on l’attende. A mon sens, « Whole Without Me » et « Freed » se répondent, causes et conséquences, pour conclure Swan Song. Et si le dernier titre de l’album inspire la libération, et qu’après tous les déboires à travers lesquels Tewers nous a embarqués au cours de l’album on s’attend à entrevoir la lumière au bout du tunnel, j’ai une tout autre interprétation à la lecture des paroles de « Freed ».
Arrivée au terme de Swan Song, j’ai la sensation d’avoir été déconnectée de la réalité un bon moment. The Plot In You offre une parenthèse, tant par son originalité que par son aura presque mystique. On navigue entre des instants pop, qui m’évoquent Walking On Cars, et post-hardcore, entre la beauté déchirante de la voix de Tewers et les moments de violence, entre l’amour et la haine, et surtout dans ce que nous raconte Swan Song : la rupture sous toutes les coutures. Et peut-être que vous êtes comme moi, à vous demander pourquoi Swan Song ? Le chant du cygne est une métaphore de la dernière action réalisée par un être avant sa mort ou sa retraite. Cela viendrait d’une croyance indiquant que le cygne, animal silencieux la majeure partie du temps, chanterait une belle chanson juste avant sa mort. C’est poétique, réfléchi et intelligent, et il ne m’en faut pas plus pour apprécier la cohérence et le caractère unique de cet album.
AnnaHell
Tracklist
- Letters to a Dead Friend
- Fall Again
- Face Me
- Too Far Gone
- Paradigm
- Both to Blame
- Too Heavy
- Enemy
- Whole Without Me
- Freed
3:54
3:20
3:54
3:40
3:40
2:52
3:21
Lineup
Landon Tewers (Chant, claviers, guitares, production etc ...)
Josh Childress (Guitare)
Ethan Yoder (Basse)
Michael Cooper (Batterie, percussions)
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